Une vingtaine de démineur·euses de la FSD sont actuellement à l’œuvre en Ukraine, dans la région du Donbass, où un conflit armé perdure depuis 2014. Roman, Stanislav et Igor font partie de l’équipe déployée à Stara Mykolaivka. Dans cette localité se trouvait il y a quelques années un entrepôt de munitions de l’armée ukrainienne. Le 25 mai 2018, des tirs d’artillerie ont atteint le hangar, causant une gigantesque explosion et la dispersion des munitions dans les champs alentours. L’incendie a duré 24 heures. Fin 2020, la FSD a commencé à nettoyer la zone. A ce jour, les démineur·euses ont neutralisé 326 engins explosifs. Rencontre avec Roman, Stanislav et Igor lors d’une pause bien méritée, à l’ombre de la tente destinée au repos des équipes.
Il est 9h à Stara Mykolaivka ce vendredi 9 juillet et la journée est déjà bien entamée pour les démineurs. Comme chaque matin en été, les membres de l’équipe se sont retrouvés au bureau de la FSD à 5h30 – chaleur oblige – pour préparer le matériel: détecteurs, tenues de protection, outils et matériel de marquage. A 6h30, après le briefing habituel par le chef d’équipe, les démineurs sont en action.
« Franchement, regarde-moi cette nature ! Qui peut rêver d’un lieu de travail pareil ? » sourit Stanislav en pointant la prairie de fleurs sauvages survolées par des nuées de papillons blancs. Disposés çà et là, sur des zones où l’herbe a été taillée à ras, des triangles rouges avec des têtes de mort indiquent la localisation de potentiels engins explosifs à excaver. »
« Pour moi, la détection de métaux est un passe-temps depuis longtemps: j’ai trois détecteurs différents à la maison: je m’amusait surtout à chercher des pièces datant de la seconde guerre mondiale, raconte l’ancien policier de 41 ans. Et puis je me suis dit, pourquoi ne pas en faire ton métier ? » Stanislav a rejoint la FSD en 2017.
Ici pourtant, les enjeux sont tout autres. Chaque munition rencontrée peut potentiellement causer une explosion. Faut-il des nerfs solides pour faire ce travail? « Il faut surtout être sérieux et très discipliné, mais pour moi en tout cas, c’est moins stressant que mon ancien emploi de gérant de magasin, affirme Roman, 41 ans. Ici, mon esprit est uniquement focalisé sur les procédures de sécurité, que je suis à la lettre; mon cerveau est détendu, seules mes mains travaillent. »
Les journées consistent en plusieurs sessions de 50 minutes à passer le détecteur de métaux et excaver les objets suspects, lors desquelles le démineur ne peut absolument pas se permettre de rêvasser. Aucune tentation de jeter un œil à son smartphone de temps en temps: le téléphone est interdit dans la zone de travail, pouvant déclencher des explosions accidentelles en raison de son rayonnement électromagnétique. Pas de montre non plus: celles-ci risquent de causer des interférences avec les détecteurs de métaux.
De chaque côté de la zone contaminée se trouvent des villages. « Avant que la FSD ne soit déployée ici, un enfant a ramassé une munition qu’il a trouvée dans ce champ et s’est amusé à y mettre le feu. Il a été blessé », raconte Alexander, le chef de l’équipe de déminage. « Tout ce qu’on veut, c’est terminer le boulot pour que les enfants soient enfin en sécurité, et que les agriculteurs puissent réutiliser ces terres. »
Lorsqu’ils entament la décontamination d’une nouvelle zone, les démineurs disent ressentir un peu d’appréhension. « On ne sait pas exactement à quoi s’attendre , malgré les enquêtes menées au préalable », explique Stanislav. « Mais évidemment, quand on en est à plus de 300 engins explosifs repérés sur une seule zone, comme ici, cela devient un peu la routine… »
Igor, 32 ans, qui n’a que quelques mois de déminage derrière lui, se souvient très bien de la première munition qu’il a localisée et excavée. « C’était un obus de calibre 30mm, trouvé sur un ancien champ de bataille de l’est de l’Ukraine. J’étais tellement fier! » Aujourd’hui, le jeune démineur ne compte plus les dizaines d’engins non-explosés – ni la multitude d’objets métalliques inoffensifs – qu’il a déterrés. « On a tous trouvé au moins un vieux fer à cheval », sourit son collègue Stanislav.
Et quand ils rentrent chez eux, les démineurs racontent-ils leur journée à leurs proches? « J’en parle beaucoup, ça me passionne tellement ! Mais mes amis commencent à être saturés » s’amuse Igor. Pour Roman, pas question d’évoquer le travail à la maison : « Le moins j’en parle à ma femme, le meilleur est son sommeil. »